Éditions Premières Lignes

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Gnwt. Revue d’égyptologie et d’histoire des civilisations de l’Afrique noire. Volume 3

5.000 Fcfa

Réseau des Enseignants-Chercheurs en Egyptologie et Civilisations d’Afrique noire (RECECAN)

 

Parution : octobre 2022

GENOUT est un mot féminin pluriel de la langue medou kemet (égyptienne). En français, le mot correspondant est Annales et en anglais Annals. Quoi de plus normal pour servir de support à la connaissance des antiquités et de la civilisation négro-africaine !

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Volume 3

Dossier thématique
Coordonné par Alexis Tague Kakeu et Apisay Eveline Ayafor

ETHIQUE DE SOLIDARITE ET DEVELOPPEMENT DANS L’AFRIQUE NOIRE
D’HIER A AUJOURD’HUI : BILAN THEORIQUE ET MUTATIONS CRITIQUES

En parcourant l’abondante littérature produite sur les questions de développement et de sous-développement dans l’Afrique noire contemporaine, il est facile de constater que plusieurs auteurs n’hésitent pas à voir dans la culture des peuples négro-africains en général et dans certaines de ses valeurs éthiques en particulier, à l’exemple de la valeur de solidarité, la cause du mal être, du mal vivre, bref du sous-développement multiforme auquel est confronté l‟Afrique noire depuis les indépendances. Au nombre de ces auteurs, nous pouvons citer deux figures assez représentatives de cette tendance. Ce sont le Camerounais Daniel Etounga Manguele (1991) et la Franco-sénégalaise (née au Cameroun) Axelle Kabou (1994).

Ces deux auteurs, à l’exemple de nombreux autres, Africains comme des non Africains, n’ont pas souvent hésité à voir dans l’éthique de solidarité vécue depuis de longues dates par les peuples africains, la source de nombreux maux, obstacles à un véritable décollage des Etats africains. Parmi ces maux, nous pouvons citer le tribalisme, le népotisme, la corruption, l’exploitation de l’homme par l’homme, et plus exactement, l’appauvrissement de certains par la famille élargie et l’impossibilité pour d‟autres, engagés dans les chaines de solidarité à épargner pour investir, etc.

Sous un autre angle, ils sont également nombreux, les auteurs qui soutiennent une thèse contraire. Pour cette deuxième catégorie ou tendance, si l’Afrique noire survit ou plie sans rompre depuis plusieurs décennies, c’est surtout grâce aux réseaux de solidarité qui permettent aux uns et aux autres de se soutenir mutuellement et réciproquement.

Ces réseaux de solidarité, à l’observation et à l’examen, plongent leurs racines dans le patrimoine culturel des peuples africains bien avant les dominations extérieures. Ils seraient aujourd’hui plus animés par les Africains faisant partie de ce que Serge Latouche a qualifié d’Afrique non-officielle (2005) ; autrement dit, l’Afrique des zones rurales, des masses populaires ou des quartiers pauvres des villes abondamment nourries par les flux de l’exode rural. Toutefois, à titre de mise en garde, cet auteur note que “la solidarité et la parenté peuvent, en effet, être corrompues par le marché, par les sollicitations de l’intérêt personnel et de l’ambition, par la prégnance de la chrématistique, tout cela provoquant la rétorsion de la jalousie et de l’envie dévorante” (Latouche, 1988 : 39-41).

Pour Serge Latouche donc, la solidarité africaine vécue d’après l’idéal cher à la culture des peuples négro-africains, celui qui fait de l’être humain la finalité de l’action ou de l’agir, et non un moyen pour l’accumulation des biens, ne saurait être un obstacle à l’épanouissement de la vie. L’on comprend ainsi pourquoi cette valeur éthique, chère à la culture négro-africaine, continue d’être vécue malgré le contexte de l’occidentalisation qui est celui de l’Afrique noire depuis son accession à l’indépendance. Cet auteur n’a donc pas tort de considérer la faillite de l’Afrique comme celle de l’Afrique officielle profondément occidentalisée (2005). C’est dire que les valeurs éthiques qui sont celles des peuples africains depuis leur antiquité égypto-nubienne, à l’exemple de l‟éthique de solidarité, aujourd‟hui au centre d‟une réelle controverse, demeure encore des refuges salutaires pour les Africains d‟aujourd’hui, et peut-être de demain.

Cependant, devrons-nous balayer d’un revers de la main les reproches qui sont faits au vécu de cette éthique de solidarité dans l’Afrique dite contemporaine ? Ou tout simplement les Africains doivent-ils se passer d’elle ?

Si le lieu n’est pas indiqué pour apporter des réponses à ces questions, il convient de noter que les deux points de vues plus ou moins antagonistes ci-dessus évoqués placent l’Africain ‟moderne” devant un véritable dilemme : celui de choisir de perpétuer ou de rejeter un aspect fondamental de son patrimoine culturel. Pour cette seconde éventualité, comment convaincre l’Africain appauvri par les exigences de la solidarité familiale ou communautaire, que cette valeur éthique est un réel moteur ou facteur de l‟épanouissement de l’homme ? Autre chose encore, comment persuader l’Africain qui, au nom de la solidarité africaine, exploite les plus vulnérables à des fins d’accumulation matérielle et financière, que cette façon de faire est contraire à l’idéal de vie des peuples négro-africains, depuis leur antiquité nubio-égyptienne ?

L’on comprend ainsi que dans une Afrique qui aspire à renaître culturellement, la seule voie comme l’indiquait l’égyptologue Cheikh Anta Diop, c’est de se connaître véritablement. C’est dans cette perspective qu’il indique que “ce qui est indispensable à un peuple pour mieux orienter son évolution, c’est de connaître ses origines, quelles qu‟elles soient” (1979 :19). Cette affirmation qui sonne comme une interpellation, explique et justifie l’urgence qu’il y a à jeter au regard pluriel sur l’éthique de solidarité profondément ancrée dans le patrimoine culturel des peuples africains depuis des millénaires. Il s’agit surtout, au-delà de la compréhension de ce qu’elle est, d’évaluer son vécu depuis l’antiquité nubio-égyptienne jusqu’à l‟Afrique actuelle.

Ce regard pluriel, nous en sommes convaincu, aidera à dissiper les doutes, les malentendus et à réconcilier certains Africains avec leur passé tout en aidant à prendre conscience du fossé qui ne cesse de se creuser entre eux et ce passé. L’important ici n’est pas de peindre l’Afrique noire ancestrale en rose ; il s’agit au contraire d’aider l’Africain qui le souhaite, à s’éloigner de son passé de façon consciente, ou encore de s’en inspirer pour répondre à certaines de ses préoccupations actuelles.

Sommaire du volume

pp. : 7-9 Introduction générale Pr. Alexis Tague Kakeu
pp. : 11-36 Solidarité et épanouissement de la vie dans l’au-delà et ici-bas en négro-culture. L’exemple des anciens Égyptiens, 2780-1070 av. J.-C. Alexis Tague Kakeu En parcourant de nombreux écrits portant sur la religion des Africains depuis leur antiquité égyptienne pharaonique, il est facile de se rendre compte que pour leurs auteurs, la quête de la vie en éternité est surtout vue comme une entreprise individuelle. En clair, toute personne qui aspire à vivre auprès de Rê, dans sa barque ou dans les champs d’ilahou, devrait de son vivant prendre des dispositions afin de ne pas mourir pour une seconde fois, synonyme de mort définitive. Si cette lecture des faits n’est pas fausse, il convient tout de même de ne pas perdre de vue le fait que dans l’Égypte pharaonique, tout comme dans l’Afrique noire ancienne, l’individu n’était rien sans le groupe. Du reste, une sagesse partagée par les peuples négro-africains considère le pauvre comme celui qui n’a pas de gens. Si cette sagesse ne dédouane personne de la responsabilité individuelle, il fait toutefois comprendre que vivre ici-bas et survivre en éternité dans cette aire culturelle sont étroitement liés à l’esprit de solidarité ou encore à l’interdépendance réciproque. Cette étude vise à démontrer que dans l’aire culturelle négro-africaine en général, et plus précisément dans l’Égypte pharaonique de l’Ancien au Nouvel Empire, en passant par le Moyen Empire, la solidarité entre morts et vivants, et vice-versa, était importante pour la continuité et l’épanouissement de la vie et de la survie. L’esprit de solidarité qui du vivant du mort lui avait permis de vivre lui était également nécessaire pour survivre en tant qu’Imakhou, mort divinisé. L’approche adoptée dans cette étude est à la fois diachronique et synchronique. La méthode est qualitative. Les données exploitées proviennent des sources égyptiennes pharaoniques, des ouvrages et articles, ainsi que des sources numériques.
pp. : 37-79 Pouvoir et sagesse dans la religion égypto-africaine et les religions révélées Mahamadou Imrane Sow Pendant plus de trois mille ans d’histoire, les anciens Égyptiens ont développé des valeurs culturelles existentielles qui portaient sur le comportement que tout Égyptien devait avoir avec son semblable pour que la société puisse fonctionner correctement pour le bien de tous. Ces valeurs résultent de nombreux conseils de vie et des principes moraux absolus, c’est-à-dire des comportements dont chacun, du simple fait de sa nature humaine, sait (ou devrait savoir) qu’ils soient bons ou mauvais. Elles constituaient de ce point de vue la trame de toutes les relations humaines et définissaient un cadre moral entre parents et enfants, mais aussi et surtout entre l’Égyptien et le pouvoir. Ces relations reposaient sur l’obéissance, considérée comme l’une des valeurs morales les plus cultivées en Égypte ancienne. Aujourd’hui, à la lumière de certaines attestations écrites, la plupart des principes moraux égyptiens liés à la pratique du pouvoir ont survécu en Afrique noire et dans le Proche-Orient ancien. L’objectif de cette étude consiste à mettre en évidence le lien étroit qui existe entre pouvoir et sagesse à travers les textes moraux égypto-africains, la Bible, le Coran et certains Hadiths relatifs à la vie de Mouhammad..
pp. : 81-109 La solidarité dans les milieux professionnels chez les anciens Égyptiens au Nouvel Empire d’après l’ostracon BM. 5634, les papyri médicaux et de grève Rodrigue Marcellin Piaplie Njimfo et Achille Bérenger Ngo Issock Foe
Véritables sources de l’Histoire de l’Égypte ancienne, l’ostracon BM.5634, les papyri de grève et médicaux (Edwin Smith et Ebers) sont capitaux dans la compréhension des rapports de vie entre travailleurs dans la vallée du Nil. L’objectif de cette étude est d’examiner les formes de solidarité entre ces deniers au Nouvel Empire à partir d’un décryptage des documents évoqués. Il est question de montrer que l’éthique de solidarité dans sa globalité était institutionnalisée à Kemet et a même été pour les anciens Égyptiens un levier d’épanouissement des droits des travailleurs. L’approche d’analyse est une démonstration par faisceau de faits circulaires.
pp. : 111-130 Ethos de solidarité et représentation de la richesse chez les Ngyemba (Ouest-Cameroun) anciens et modernes à travers le « nshole vù » ou « tour de deuil » Rodrigue Wouassi Ladjinou Les Ngyemba de la région dite bamiléké (Ouest-Cameroun) continuent de vivre et de perpétuer plusieurs aspects de leurs héritages ancestraux, au rang desquels les funérailles. Contrairement à certaines thèses qui soutiennent que ces dernières sont source de désaccumulation et d’appauvrissement, elles traduisent chez les Ngyemba, aussi bien anciens que modernes, leur éthique de vie au quotidien. Celle-ci s’exprime et se manifeste de façon concrète au moment où intervient pendant les funérailles, le nshole vù ou « tour de deuil ». Ainsi, si l’accumulation des richesses matérielles constitue une valeur fondamentale chez ces peuples, le nshole vù traduit davantage leur esprit de solidarité ; en d’autres termes, le savoir-être et le savoir-vivre. Au regard de cette conception, peut-on dire que la solidarité, art du savoir-vivre et du savoir-être, peut servir de contre-point aux formules exogènes de la richesse chez les Ngyemba ? À partir d’une approche à la fois descriptive et analytique, nous allons d’une part décrire la pratique du nshole vù et d’autre part analyser son apport dans l’édification d’un idéal de vie chez ces peuples.
pp. : 131-147 L’instrumentalisation de la solidarité chez les Ngemba actuels de l’Ouest-Cameroun : l’exemple des funérailles Chi Ngum Madonna Depuis la rencontre des peuples africains en général et des Ngemba de l’Ouest-Cameroun en particulier avec les colonisateurs européens, on peut, à l’observation, dire que les valeurs qui jadis étaient le ressort de leurs actes sont remplacées par celles des colonisateurs. Cette réalité est manifeste dans différents domaines ou cérémonies qui rythment leur vie. Il est facile de constater que la solidarité, qui anciennement était à la base de l’épanouissement du groupe, sert de plus en plus les intérêts individuels et égoïstes. En réalité, cette valeur culturelle est instrumentalisée pour des finalités autres que celles définies par la culture négro-africaine : la promotion et l’accroissement de la vie. Cette étude a donc pour objectif de s’intéresser à ce phénomène dans le cadre des funérailles pour en comprendre les racines, les manifestations et les conséquences. Pour ce faire, elle recourt à une démarche diachronique, tout en faisant appel à une méthode qualitative. Les données exploitées sont issues des sources orales, écrites et numériques.
pp. : 149-177 Le mandjong : un exemple de solidarité au service du développement local et de la protection du patrimoine ngemba d’Awing des origines à 2016 Apisay Eveline Ayafor En Afrique noire, l’homme est appelé à vivre, à évoluer en communauté et à la façonner pour répondre à ses besoins quotidiens. Dans ses multiples activités, il entretient des relations inévitables avec les membres de son groupement. Selon les rapports qui les unissent, les hommes sont supposés s’entraider et contribuer au bien-être social. Dans cette interaction, ils développent le sens de la responsabilité et de la solidarité, d’où le concept de « solidarité africaine » très souvent évoqué. Cette contribution analyse les efforts de mutualisation des hommes du mandjong pour booster le développement local et protéger le patrimoine matériel et immatériel d’Awing. L’article permet de voir comment, dans un élan de solidarité et de convivialité, les individus d’une certaine classe d’âge se déploient dans des activités générales visant non seulement l’épanouissement communautaire, mais aussi la protection du bien commun. L’étude adopte une méthode quantitative et qualitative avec des sources primaires et secondaires. Elle édifie sur les différents mandjong qui ont existé à Awing, leurs désignations, les circonstances de leur création ainsi que le rôle fondamental qu’ils jouent dans la société awing notamment, dans le domaine du développement local et de la protection de l’héritage ancestral. Érigé en armée de défense du territoire en situation de guerre, le mandjong est, jusqu’en 2016, un véritable agent du développement local, de cohésion sociale et de protection du patrimoine individuel et collectif des Awing.
pp. : 179-202 Tourisme solidaire et renforcement de la cohésion sociale et des structures de l’économie locale dans le septentrion camerounais (1947-2022) Moïse Moussa et Albert Jiotsa Le tourisme est un phénomène social total résultant d’un désir de voyage et de découverte d’autres horizons. Vers la fin du 20e siècle et vu les effets dévastateurs du tourisme de masse, vont émerger de nouvelles formes de tourisme alternatif qui tiennent compte des objectifs du développement durable. Le tourisme solidaire est l’une des formes de tourisme alternatif qui promeut le développement durable en impliquant les populations locales dans les différentes phases des projets touristiques, le respect de la personne, des cultures, de l’environnement et une répartition équitable des retombées touristiques. Apparue dès la fin des années 1970, cette industrie du voyage semble aujourd’hui être une des formes les plus adéquates du tourisme dans le septentrion camerounais. Zone dotée d’une mosaïque de peuples dont les traditions et les valeurs ancestrales sont restées relativement authentiques, cette région, malgré l’insécurité grandissante dans certaines localités, s’illustre comme un haut lieu de tourisme solidaire avec une totale implication des communautés locales dans les initiatives de développement touristique et d’hospitalité légendaire. À partir d’une méthode basée sur l’exploitation des sources primaires, l’observation participante et les entretiens, l’analyse montre que ce type de tourisme, qui s’inscrit dans une logique de développement des territoires, est un outil indispensable pour le renforcement des liens sociaux par l’action collective, la promotion des valeurs patrimoniales et le développement de l’économie locale dans une perspective de tourisme durable.
pp. : 203-216 Solidarité et sorcellerie : comprendre le sens de la danse mystique Essima des Maka du Haut-Nyong (1960-2022) Patrick Romuald Jie Jie L’objectif de cet article est d’identifier le principe de solidarité dans la danse mystique Essima, pour ressortir le lien entre solidarité et sorcellerie. La méthode employée est une approche anthropologique du contexte traditionnel Maka en se basant sur une analyse critique de la littérature et des sources orales y afférentes. En conclusion, si l’on conçoit que la solidarité englobe un ensemble de réseaux d’obligations coutumières et des formes de réciprocité requises en vue d’un certain équilibre interne des populations impliquées, alors on peut objectivement voir dans cette danse magique une forme de solidarité envers le malade.
pp. : 217-219 Conclusion générale Dr Apisay Eveline Ayafor

Caractéristiques

ISSN : 2708-9142

Périodicité : un numéro par an

Prix :  5.000 F CFA (Zone CEMAC)

Pagination : 230 pages

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    Réseau des Enseignants-Chercheurs en Egyptologie et Civilisations d’Afrique noire (RECECAN)

     

    Parution : Octobre 2020

    GENOUT est un mot féminin pluriel de la langue medou kemet (égyptienne). En français, le mot correspondant est Annales et en anglais Annals. Quoi de plus normal pour servir de support à la connaissance des antiquités et de la civilisation négro-africaine !

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