Grassfields est un mot forgé par les colons anglais, à la suite des Allemands, émerveillés par les paysages verdoyants qui étaient apparus soudainement devant eux lors des premières expéditions exploratoires sur les Hautes Terres de l’Ouest Cameroun. Étymologiquement et morphologiquement, Grassfields est un composé qui vient de l’anglais grass, signifiant herbe et fields qui renvoie quant à lui, à champ – au figuré comme au sens propre -, pré ou prairie. Par extension, grassfields désigne prairie, terre ou pays de savane.
Le choix de l’appellation Grassfields comme titre de cette revue tient de ce qu’au-delà de ses origines ambiguës résultant de la rencontre entre cette entité territoriale et humaine, et deux puissances coloniales, ce terme a fini par incarner une terre de rencontre et d’échanges, un des épisodes de son histoire récente tout aussi significatifs que sa géographie physique ou ce milieu écologique, foyer d’un peuplement ancien et d’une civilisation remarquable qui a su écouter, dialoguer et trouver de l’harmonie avec la nature.
Le Département d’Histoire et Archéologie de l’Université de Dschang, fille de ce terroir singulier, témoin et bénéficiaire privilégié de son biotope et de sa culture, voudrait ainsi lui exprimer sa gratitude.
Revue Grassfield, Varia
Grassfields. Revue des sciences historiques. Volume 2
8.000 Fcfa
Département d’Histoire et Archéologie (Faculté des Lettres et Sciences Humaines, Université de Dschang)
Parution : Avril 2022
Sommaire du volume
pp. : 7-10 | Editorial : Le temps de l’histoire | ||
pp. : 13-33 | Les relations entre le Royaume Bamum (Grassfields) et le Lamidat de Banyo (Adamaoua) entre le XIXe et le XXe siècle : du Jihad à la coopération peul-bamum | Sylvain Mbohou | L’histoire nous apprend que les relations entre les peuples ont généralement alternée entre paix et conflits. Cette alternance est structurée par les intérêts variés des acteurs en jeu. C’est dans cette logique que s’inscrit le Jihad lancé en 1804 par Ousman Dan à partir de Yola. L’impérialisme peul visait principalement la conquête territoriale et accessoirement l’expansion de l’Islam. Dans ce contexte, le Royaume Bamum fut attaqué sans succès à plusieurs reprises par les Peul du Lamidat de Banyo. Mais, du fait de la conjoncture, ces relations belliqueuses s’étaient transformées en coopération. Ainsi, dans quelles circonstances s’est opérée l’évolution des rapports entre le Royaume Bamum et le Lamidat de Banyo et quelles en ont été les implications ? Telle est la question à laquelle nous tenterons de répondre à partir des informations provenant non seulement des sources écrites, archivistiques, wébographiques et des données orales. Il en ressort d’une part qu’à plusieurs reprises, les Peul venus de Banyo tentèrent sans succès d’envahir le Royaume Bamum et d’autre part qu’en 1895, le roi Njoya les appela au secours pour réprimer la rébellion orchestrée par le Ngbetkom Ndoumbouo, inaugurant ainsi une fructueuse et durable coopération entre les deux Etats. |
pp. : 35-58 | La symbolique des perles et des cauris en Afrique noire : étude à partir des cas de l’Égypte pharaonique (de l’Ancien au Nouvel Empire) et des chefferies bamiléké de l’Ouest-Cameroun |
Chamberlain Nenkam | La question des perles et des cauris en Afrique noire a de tout temps attiré l’attention de nombreux chercheurs. Malgré la polémique en vigueur relative à leur origine, leur utilisation est reconnue depuis l’époque pharaonique. L’analyse met en exergue leurs fonctions sociales dans l’Egypte pharaonique et les chefferies bamiléké. Ainsi, loin de n’avoir qu’une fonction esthétique, ils sont symboles de richesse, par conséquent, ont une valeur pécuniaire d’une part et d’autre part, une importante fonction socio-politique. C’est dans cette optique qu’ils apparaissent comme des emblèmes du pouvoir, apanage du souverain et des membres de la cour royale. Par ailleurs, grâce aux fonctions spirituelle, culturelle ou cultuelle à eux attribuées, les cauris interviennent dans l’art divinatoire en tant qu’œil des dieux. Les perles quant à elles symbolisent, entre autres, l’amour, la virginité, la fertilité, la puissance et la fidélité. Malheureusement, on assiste progressivement à la perte de ces savoirs. Cette étude a été effectuée sur la base d’une approche hypothético-déductive et constructiviste, à l’aide des sources primaires et secondaires. |
pp. : 59-82 | Décentralisation et électrification : expériences et défis dans les communes de l’Ouest-Cameroun | Williams Pokam Kamdem & Thierry Martin Foutem | Les difficultés d’accès à l’électricité se sont accentuées au cours des dernières décennies au Cameroun. À côté des mesures gouvernementales visant à résorber à moyen terme le déficit énergétique national, l’électrification décentralisée est promue par des acteurs locaux et transnationaux. L’érection des réseaux nationaux depuis le milieu des années 1960 avait en effet laissé de nombreuses localités en marge des systèmes électriques. Le développement de solutions off grid est donc présenté comme un palliatif à cette logique centralisatrice de production et de distribution de l’énergie électrique. Dans un contexte où se met en place la décentralisation administrative par ailleurs, des collectivités locales tentent de s’investir dans la fourniture de ce service à leurs populations à travers des solutions décentralisées ou l’extension des réseaux existants. L’objectif de cette contribution est de déterminer les voies par lesquelles se met en œuvre la décentralisation comme mode de gestion des services publics d’électricité au Cameroun. Cette recherche s’appuie sur l’exploitation de la littérature existante et sur des enquêtes de terrain conduites dans la région de l’Ouest. Notre premier argument est que la décentralisation concourt à réattribuer aux communes des compétences qu’elles avaient perdues en matière de distribution d’électricité lors de la construction des réseaux électriques nationaux. Le deuxième relève que ce processus favorise la collaboration entre les collectivités territoriales, en articulant diverses modalités d’action décentralisée. Le troisième indique que la maturation de l’électrification doit prendre en compte les besoins des collectivités territoriales en investissements et en personnel. |
pp. : 83-102 | Une activiste oubliée : Mamekong Julienne et l’éducation sociopolitique de la femme de 1940 à 1957 | Denis Christian Fouelefack Tsamo & Clarisse Nzeuchieu | La biographie fut, pendant longtemps, essentiellement consacrée aux héros nonobstant l’existence des héroïnes. Ces dernières pourtant sont nombreuses à avoir façonné l’histoire de l’humanité en général, et du Cameroun en particulier. Elles constituent des valeurs indispensables au réveil des consciences et à l’enracinement des traditions culturelles camerounaises. Sachant que la biographie se libère aussi de la fausse opposition entre individu et société, l’exemple de l’héroïne Mamekong Julienne démontre que l’individu n’existe pas seul, car il n’existe que dans un réseau de relations sociales diversifiées. Son activisme ici est un témoin, un reflet et un révélateur de son époque. Une variété de sources met en exergue l’expérience de cette activiste dans une ère où s’impose la rupture du cordon entre la Camerounaise, les sociétés coloniales et traditionnelles. |
pp. : 105-123 | À la rencontre des anciens habitants du Ndé : étude archéologique du site de Fembat (Ouest-Cameroun) | Yakam Yola a Juma | Les populations actuelles du Ndé ne furent pas les premiers habitants de la région. Bien avant leur arrivée, d’autres personnes les ont précédés comme l’attestent les vestiges archéologiques qui ont été identifiés et étudiés sur le site de Fembat, un quartier de la ville de Bangangté. A travers une prospection et l’excavation de ce site, des artéfacts lithiques ont été prélevés. L’analyse du matériel lithique a permis d’isoler des outils comme des bifaces, des herminettes et des pics. La particularité des vestiges du site c’est la présence des bifaces discoïdaux, outils qui n’avaient pas encore été identifiés dans les précédents travaux conduits dans la région. Les autres analyses morphologiques et technologiques ont conduit à une interprétation probable du mode de vie de la population qui a vécu sur le site. L’absence de tout charbon de bois datable a donné lieu à la proposition d’une datation relative pour l’époque de l’occupation humaine ancienne de Fembat. |
pp. : 125-145 | Bafut Kingdom from origins to the end of the 19th century | Raymond Neba’ane Asombang | This article is the fruit of research I have conducted in Bafut and its environs over several years. I have also drawn from my personal experiences as a modern and traditional elite of that community, and my interactions with the ruling class and nobility. I was motivated to write it because I realized that the major sources from which the history of this important kingdom has drawn so far are limited to oral traditions for the most part and archival sources where possible. Oral sources have inherent limitations and in my opinion, this accounts for the different versions of the same event, the dominance of the royal versions of the charter myth, the conflicting king lists and a doubt about relations between Bafut and her neighbours among others. In this article I have used more recent historical and ethnographic data that update earlier versions and more importantly, archaeological data from Bafut itself and surrounding areas. Contrary to current narratives, these new data suggest that Bafut history goes back to the Late Stone Age (a period that goes back to more than 12 thousand years), if not earlier. Therefore the migration story perpetuated mostly by the royal lineage can be interpreted as justification for their claim to power. As regards relations with her neighbours, Bafut entertained both friendly and hostile relations. |
pp. : 149-169 | Boko Haram et les sociétés impériales du lac Tchad : éléments de compréhension sociologique de la dynamique régressive de civilisation des mœurs | Alawadi Zelao | Cette réflexion part du postulat selon lequel la région du lac Tchad est historiquement structurée par un ensemble de sociétés impériales (lamidat, sultanat, émirat) qui ont instauré leur régime d’organisation et d’existence sur les territoires et les sociétés locales dans un élan à la fois hégémonique et idéologique. Cette dynamique historique s’est modulée par un ensemble de faits historiques que sont entre autres les conquêtes, l’islamisation et l’imposition des mœurs impériales aux sociétés locales. Aujourd’hui, tout en cherchant à reconstruire le lac Tchad sur le modèle impérial (califat), Boko Haram agit plutôt à l’encontre de la visée et de la projection idéologique qui ont magnifié le temps glorieux des empires de cette zone. Ses modes d’actions de même que son rapport aux empires actuels relèvent autant de l’antidote civilisationnel. |
pp. : 171-209 | Attitudes réactionnaires et décolonisation : la construction des idées politiques au Tchad et au Cameroun après la Seconde Guerre mondiale | Noumbissie M. Tchouaké & Patrick Junior Ngouné | Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les luttes de pouvoir qui structurent la vie politique en Afrique coloniale française, sont nourries par des idéologies contradictoires qui s’expriment au gré des intérêts des acteurs autochtones. Au Cameroun français et au Tchad, un segment de la population se démarque par une forte réaction aux idées de changement et de liberté, créant ainsi des fractures dans la société coloniale. Suivant la logique comparatiste et diachronique que nous associons à une ressource documentaire importante, l’article analyse la construction, les expressions et les actions des Réactionnaires au Cameroun français et au Tchad. |
pp. : 211-226 | Water politics and conflicts in the Nun river basin: an overview of water security and maritime border conflicts of the Ndop plain, Cameroon, 1970-1997 | Godwill Kungso Ndzofoa Eno | The Nun River Basin (NRB) has a perennial history of cross-border conflicts, mostly connected to climate change impact on water sources and resources. This paper discusses the link between water politics and conflicts amongst the traditional communities in the NRB. Water scarcity and floods have been at the origin of boarder conflicts among the “traditional states”, both in the drier edges and in the marshes of the NRB. Initial mappings to gain an overview of the geo-political and water security contexts help in identifying the areas including Bamali, Bamunka, Babungo, Baba I, maritime border conflicts, and the Babessi, Baba I floods, with access in the NRB. Basing our findings and analysis of existing sources and critical interviews, investigations reveal the recognise and the unrecognised links, that bind water to the regional politics and relations amongst the fondoms remain central in the conflicts for the control of water sources and the fertile rice cultivation marshes. The paper concludes that though the “traditional states” have been in mutual competitions where food needs accelerate in response to rising populations with increasing economic interest, the traditional method of conflict resolution through consensus have proven most effective in achieving peace in the region. |
pp. : 227-253 | Les campagnes de déconstruction de l’image du « maquisard » dans la mémoire collective à l’Ouest-Cameroun. 1959-1971 | Gildas Igor Noumbou Tetam & Démonster-Ferdinand Kouekam | L’offensive à la fois psychologique et militaire entreprise par l’administration coloniale et postcoloniale au Cameroun permit à ce que la défaite du maquis ne fût pas seulement une défaite militaire. À la veille de l’indépendance en effet, les déboires militaires essuyés par la « rébellion » armée à l’Ouest-Cameroun permirent à l’administration d’alors de façonner la société bamiléké à l’image de la Zone de Pacification (ZOPAC) qui avait contribué à endiguer l’insurrection armée en Sanaga Maritime. À cet effet, il fut décidé de couper le lien entre la population et les insurgés en agglomérant cette dernière dans des camps de regroupement situés le long des routes. Parallèlement aux campagnes militaires menées contre les « maquisards » à l’extérieur des camps, de nouvelles représentations, de nouveaux signaux et cadres de référence furent mobilisés pour investir les esprits et orienter la perception populaire de l’homme « maquisard » dans un versant péjoratif. Le démantèlement des bastions de la guérilla nationaliste dans la brousse coïncidait donc avec la déconstruction programmée dans les esprits des idéaux et des valeurs sur lesquels les combattants nationalistes avaient fondé leur héroïsme. Aujourd’hui encore, certains ex-maquisards ont du mal à assumer sans complexe leur participation à la lutte de libération du Cameroun car la mémoire collective accable encore « le maquisard » de nombreuses péjorations. La présente contribution tente d’en apporter une explication à travers l’analyse diachronique des moyens et des représentations auxquelles l’administration recourut pour investir les esprits en pays bamiléké entre 1959 et 1971. Sa réalisation s’est appuyée d’une part sur la documentation écrite, et d’autre part, sur les sources orales avec pour entretiens ciblés comme principale technique de collecte de données. |
pp. : 255-275 | La formation des enseignants du secondaire technique et professionnel au Cameroun : l’entre-temps de l’avènement d’une véritable école de formation (1948-1979) | Théodore Ngoufo Sogang & Sedric Darlyl Ntemfack | Ce travail présente les différents mécanismes de formation et de recrutement des enseignants des collèges et lycées techniques au Cameroun de la période tutelle à 1979, et leur impact sur les performances de ce type d’enseignement. S’inscrivant dans une perspective historique, l’analyse qui se veut à la fois quantitative et qualitative s’appuie sur des matériaux variés. Nous avons exploité entre autres des sources d’archives et des données statistiques, confrontées aux témoignages recueillis auprès d’anciens apprenants et enseignants. Il en ressort que dès les débuts, la formation des professeurs camerounais des lycées et collèges techniques fut négligée, au profit du recours au personnel européen. Incapable de s’approprier immédiatement ce type d’enseignement, le jeune État indépendant va s’engager dans une continuité coloniale dans le cadre de l’assistance technique. Par manque d’ambition, la mise en place des systèmes endogènes et provisoires de formation pédagogique se fit timidement. Les faiblesses de cette stratégie ont contribué à la marginalisation de l’enseignement technique de par les résultats médiocres aux examens et de nombreuses autres défaillances. |
Caractéristiques
ISSN : 2709-9989
Périodicité : un numéro par an
Prix : 8.000 F CFA (Zone CEMAC)
Pagination : 326 pages
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Grassfields. Revue des sciences historiques. Volume 1
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Parution : Mars 2021